
Ballast est un magazine en ligne et papier lancé par des militants et sympathisants d'extrême-gauche basés en France et au Canada.
C'est évidemment un projet noyé dans l'idéologie de gauche mais il s'agit, malgré tout, d'une revue très intéressante. Elle a en effet le mérite de proposer une hauteur de vue bien éloignée de la médiocrité à laquelle l'extrême-gauche a pu nous habituer ces dernières années.
Dans cet entretien avec Gérard Chaliand, les rédacteurs de Ballast doivent se demander ce qui leur arrive. Le vieux révolutionnaire critique en effet haut et fort la fragilité européenne tout en attaquant violemment le conformisme idéologique.
Florilège.
Sur l'État Islamique :
Quand l'adversaire est en face, prêt à mourir, avec 1 500 ou 2 000 hommes, je suis pour l'intervention de troupes spéciales – et qu'on en tue le plus possible.La dernière tirade - mise en gras par nos soins - s'adresse évidemment à cette génération nourrie à cette culture de la fragilité, pur produit 68ard. Il n'est pas complètement impensable que ce passage s'adresse même explicitement aux donneurs de leçons d'extrême-gauche !
(...)
Ils veulent la victoire ou la mort. Donnons-leur la mort. Mais personne n'ose plus dire les choses clairement, de crainte d'être traité de je-ne-sais-quoi. Je me suis battu durant des décennies pour les luttes d'indépendance et de décolonisation : je ne vais pas me laisser terroriser par des petits cons qui n'ont jamais reçu la moindre gifle et qui ont peur de leur ombre.
Sur les défis géopolitiques de demain, les néo-révolutionnaires de Ballast se reprennent une bonne giclée de réalité :
En Afrique noire, nous aurons, dans l'avenir proche, à faire face à d'autres situations de ce type : la population africaine est en train de doubler. Qui va leur trouver du travail et les instruire, alors que tout ça fait déjà défaut à l'heure qu'il est ? Il y aura une population très jeune, composée de beaucoup d'hommes, totalement désœuvrée et dans l'incapacité de franchir les frontières européennes par millions. L'islamisme sera la solution. Une arme et la possibilité de tuer de « l'autre ».
Sur la fragilité européenne :
Trouvez-vous normal que le président de la République se déplace et déclare que la France est en deuil suite à l'accident d'un autobus, qui a fait 43 victimes ? Où est-on ? Et le Bataclan, c'est Verdun ? On est devenus d'un mou... On est dans la victimisation permanente. Nous n'avons plus aucun sens commun.Sur 68 :
(...)
En l'espace de trente ans, les gens se sont ramollis. Ils ont peur. Mes compatriotes, dans l'ensemble, ont peur de tout.
(...)Nous sommes des enfants gâtés. Il y aura des émeutes dans les prochaines années. La peur va dominer ; les déchirements communautaires vont s'accentuer au quotidien – à partir d’un incident, avec quelques morts qui seront instrumentalisés par ceux qui souhaitent activement creuser un fossé social et religieux.
Se saouler à la bière et prendre quelques « tafs », c'est ça, la vie ? Le monde est vaste... Cherche, comprends. C'était un mouvement décevant – Castoriadis, Edgar Morin et Claude Lefort en ont bien parlé. Rien de grand n'a été de fait depuis ; rien de grand n'est sorti de cette « génération 68 ».Sur les nationalises kurdes
Il rejoint, en partie, notre analyse tout en attaquant la vision idéalisée des sympathisants d'extrême-gauche :
Il faut se déniaiser. Prenez le Rojava, en Syrie. Je viens de passer une dizaine de jours avec eux. Ils expliquent qu'ils fonctionnent de façon totalement démocratique, que les hommes et les femmes sont égaux et que les minorités sont protégées. Si c'était la première fois que je l'entendais, bien sûr que je serais très enthousiaste. Mais j'ai déjà entendu ça aux côtés du Front populaire de libération de l'Érythrée, avec les Tigres Tamoul et dans le Sentier lumineux, au Pérou. Je sais par expérience que ce type de discipline conduit, en général, à un État de type totalitaire.Sur les nouvelles générations et l'idéologie :
Ce que je vais dire n'est pas original, mais l'apparition, chez les jeunes, des smartphones et des tablettes a fait chuter la lecture. J'ai demandé à un jeune les raisons pour lesquelles il ne lisait pas ; sa réponse : « Ça prend trop de temps. » Sans commentaire. (...) Pendant que je donne des cours, des élèves sortent subrepticement leurs téléphones ! (...) On a baissé, côté esprit critique : on est dans une époque où on ne juge pas du propos mais de l'opinion politique de celui qui le porte : ce n'est pas juste ou faux, c'est bien ou mal en fonction de l'idéologie. À part sur quelques sujets fondamentaux, je ne m'occupe plus de ces clivages pour penser.
En conclusion, Ballast est un magazine capable de prendre du recul sur la misère intellectuelle de l'extrême-gauche et nous l'en félicitons chaleureusement.
Attention camarades ! À force de vous élever au-dessus du marécage idéologique, vous allez finir par ne plus vouloir y redescendre !
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