Jorge
Semprún en 1992, sur la liquidation de l’idéal révolutionnaire des
Lumières, le marxisme et la conversion à la social-démocratie.
« L’effondrement du communisme montre que nous avons parcouru jusqu’au bout le cycle historique inauguré par l’/Aufklärung/, que le marxisme avait ensuite poussé jusqu’à ses conséquences ultimes, qui renversaient sa rationalité originaire, qui est le cycle fondé sur la croyance en une transcendance sociale, en un au-delà social. Fondé sur l’idée que l’on peut construire une société nouvelle à partir d’une rupture révolutionnaire. Et non seulement une société nouvelle mais aussi un homme nouveau.
Cette idée là, qui fut mobilisatrice et s’est révélée, néfaste, sanglante, est maintenant condamnée. Elle ne fait plus rien bouger.
Nous sommes donc aujourd’hui face à cette réalité : la société dans laquelle nous vivons est un horizon indépassable. Nous agissons désormais dans l’immanence historique. Enfin, dirais-je, car cela nous oblige à liquider conceptuellement tous les résidus de religiosité qui imprégnaient encore la théorie sociale de la gauche.
Mais si cette société est un horizon indépassable, dans l’état historique actuel des forces productives et des rapports sociaux, elle est également invivable ou injuste pour un bon nombre de ses habitants.
Il faut donc la modifier. Mais la modifier dans une perspective réformiste. Réformiste et radicale, c’est-à-dire concevant la réforme comme un processus permanent, sans cesse renouvelé. Et aussi comme un processus social, pas seulement comme un processus de gouvernement ou de domination.
Sur le plan social, donc, il faut savoir qu’il n’est pas possible, ni même souhaitable, de briser les limites de l’économie de marché. Mais il faut aussi savoir que celle-ci, dans le cadre historique actuel à l’échelle mondiale, crée ou recrée sans cesse des accumulations de pouvoir, de monopole de puissance ou de savoir, des poches d’inégalité qu’il faut corriger en permanence.À ce sujet, il est clair que la gauche doit trouver un nouveau discours, une nouvelle pratique sociale qui prenne en compte l’existence et les besoins culturels de la nouvelle classe ouvrière. Car si cette dernière n’est pas la classe universelle erronément postulée par le marxisme, une classe destinée messianiquement à liquider toute société e classe en se liquidant elle-même, il n’en est pas moins vrai qu’une société vraiment démocratique ne pourra fonctionner de façon juste et raisonnable si la classe des travailleurs de la modernité capitaliste n’y joue pas un rôle autonome et à vocation transformatrice. »
Extrait du discours de Jorge Semprún « La gauche en Europe après les utopies », Colloque « Europa Dialog », 1992
_________________________
Au travers de cet extrait d’un discours de ce grand intellectuel de gauche, s’annonce un tournant idéologique historique de sa famille politique.
Dans les années 80 et 90, les intellectuels autrefois convaincus tournent le dos au communisme et à Marx, reconnaissant l’invalidité globale de sa thèse, actant la nécessaire conversion à l’économie de marché et à la globalisation. L’histoire était en marche est Jorge Semprún en était, sinon un acteur, au moins un observateur avisé.
C’est une leçon de réalisme et d’auto-critique que nous donne ici Jorge Semprún. Cependant sa pensée reste très clairement imprégnée de ce besoin de justice sociale qui, couplé à son aversion du fait national, lui fera prendre position pour l’Union Européenne et la social-démocratie.
Il est clair que Manuel Valls et Emmanuel Macron sont aujourd’hui des héritiers directs de ce revirement idéologique et il n’est guère que les quelques rebuts historiques du Front de Gauche ou du Parti Communiste pour oser se réclamer d’une idéologie qui est aujourd’hui laissée à l’abandon par tous ceux qui, hier encore, la célébrait.
« L’effondrement du communisme montre que nous avons parcouru jusqu’au bout le cycle historique inauguré par l’/Aufklärung/, que le marxisme avait ensuite poussé jusqu’à ses conséquences ultimes, qui renversaient sa rationalité originaire, qui est le cycle fondé sur la croyance en une transcendance sociale, en un au-delà social. Fondé sur l’idée que l’on peut construire une société nouvelle à partir d’une rupture révolutionnaire. Et non seulement une société nouvelle mais aussi un homme nouveau.
Cette idée là, qui fut mobilisatrice et s’est révélée, néfaste, sanglante, est maintenant condamnée. Elle ne fait plus rien bouger.
Nous sommes donc aujourd’hui face à cette réalité : la société dans laquelle nous vivons est un horizon indépassable. Nous agissons désormais dans l’immanence historique. Enfin, dirais-je, car cela nous oblige à liquider conceptuellement tous les résidus de religiosité qui imprégnaient encore la théorie sociale de la gauche.
Mais si cette société est un horizon indépassable, dans l’état historique actuel des forces productives et des rapports sociaux, elle est également invivable ou injuste pour un bon nombre de ses habitants.
Il faut donc la modifier. Mais la modifier dans une perspective réformiste. Réformiste et radicale, c’est-à-dire concevant la réforme comme un processus permanent, sans cesse renouvelé. Et aussi comme un processus social, pas seulement comme un processus de gouvernement ou de domination.
Sur le plan social, donc, il faut savoir qu’il n’est pas possible, ni même souhaitable, de briser les limites de l’économie de marché. Mais il faut aussi savoir que celle-ci, dans le cadre historique actuel à l’échelle mondiale, crée ou recrée sans cesse des accumulations de pouvoir, de monopole de puissance ou de savoir, des poches d’inégalité qu’il faut corriger en permanence.À ce sujet, il est clair que la gauche doit trouver un nouveau discours, une nouvelle pratique sociale qui prenne en compte l’existence et les besoins culturels de la nouvelle classe ouvrière. Car si cette dernière n’est pas la classe universelle erronément postulée par le marxisme, une classe destinée messianiquement à liquider toute société e classe en se liquidant elle-même, il n’en est pas moins vrai qu’une société vraiment démocratique ne pourra fonctionner de façon juste et raisonnable si la classe des travailleurs de la modernité capitaliste n’y joue pas un rôle autonome et à vocation transformatrice. »
Extrait du discours de Jorge Semprún « La gauche en Europe après les utopies », Colloque « Europa Dialog », 1992
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Au travers de cet extrait d’un discours de ce grand intellectuel de gauche, s’annonce un tournant idéologique historique de sa famille politique.
Dans les années 80 et 90, les intellectuels autrefois convaincus tournent le dos au communisme et à Marx, reconnaissant l’invalidité globale de sa thèse, actant la nécessaire conversion à l’économie de marché et à la globalisation. L’histoire était en marche est Jorge Semprún en était, sinon un acteur, au moins un observateur avisé.
C’est une leçon de réalisme et d’auto-critique que nous donne ici Jorge Semprún. Cependant sa pensée reste très clairement imprégnée de ce besoin de justice sociale qui, couplé à son aversion du fait national, lui fera prendre position pour l’Union Européenne et la social-démocratie.
Il est clair que Manuel Valls et Emmanuel Macron sont aujourd’hui des héritiers directs de ce revirement idéologique et il n’est guère que les quelques rebuts historiques du Front de Gauche ou du Parti Communiste pour oser se réclamer d’une idéologie qui est aujourd’hui laissée à l’abandon par tous ceux qui, hier encore, la célébrait.
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